Le dossier de Noël : origines et évolutions d’une fête

Publié le 21 Décembre 2022

Les fêtes de fin d’année approchant à grands pas, j’ai jugé bon de délaisser un moment les articles de fond pour un programme plus léger et digeste, qui passera bien mieux entre le foie gras et la dinde. Aujourd’hui, vous en apprendrez plus sur Noël tel qu’il est fêté aux quatre coins du monde, à travers le prisme des langues étrangères. C’est donc parti pour un voyage en traîneau volant et tant pis si vous n’avez pas été sage cette année, je n’en dirai rien au Père Noël.

Noël, une fête aux multiples visages et aux origines complexes

La mondialisation et le cinéma hollywoodien ont donné de Noël une image uniforme : la veillée du 24 décembre, le Père Noël vêtu de rouge qui distribue aux enfants sages des cadeaux préparés par ses lutins, le traîneau aux neuf rennes, le sapin décoré de guirlandes, les huîtres et la bûche…

Pourtant, si on franchit les frontières de notre pays pour s’intéresser à la manière dont nos voisins fêtent Noël, on se rend compte qu’il existe une immense variété de rites et de traditions. Ensuite, si les éléments constitutifs de cette fête semblent immuables, il n’en est rien, bien au contraire : ils ont été amenés à évoluer au fil des siècles et ne se sont fixés que tardivement, il y a quelques décennies tout au plus.

Cet article présentera donc plusieurs anecdotes et en partira pour vous faire découvrir à la fois les origines de Noël et ses évolutions dans diverses sociétés. Blog sur les langues oblige, nous nous pencherons évidemment sur l’aspect linguistique : les mots nous révéleront énormément de facettes de cette fête que nous croyons si bien connaître.

« Joyeux Noël » dans les langues européennes (© Jakub Marian (overlay), Tindo – fotolia.com (blank map)).

Noël, racines et significations

La rencontre de plusieurs traditions

Noël est une sorte d’immense creuset dans lequel sont venues se mélanger diverses traditions païennes et chrétiennes issues de toute l’Europe.
Prenons le mot Noël. Que signifie-t-il ? Il provient du latin dies natalis, autrement dit « jour de naissance », et plus particulièrement de dies natalis solis invicti, « jour de naissance du soleil invaincu ». Si le mot natalis a bien évolué pour donner Noël en français, on le retrouve dans l’italien Natale, le catalan Nadal, le portugais Natal voire l’espagnol Navidad (du latin nativitas).

Sol Invictus, dieu romain du soleil

C’est l’empereur romain Aurélien qui crée en 274 la fête que nous connaissons, en l’honneur du dieu Sol Invictus (soleil invaincu), fixée au 25 décembre. Cette date coïncide avec le solstice d’hiver selon le calendrier julien, introduit par Jules César en 46 av. J.-C. Il s’agit du jour le plus court de l’année, après lequel les journées cesseront de se raccourcir pour se rallonger à nouveau : on assiste donc à la renaissance du soleil, invaincu année après année.

Quelques décennies plus tard, Constantin Ier, grand admirateur de Sol Invictus et premier empereur chrétien, promulgue en 321 une loi faisant du dimanche, autrement dit le jour du soleil, la journée de repos que nous connaissons aujourd’hui. On retrouve d’ailleurs cette étymologie dans l’anglais Sunday ou l’allemand Sonntag (« jour du soleil »).

Peu à peu, les chrétiens s’emparent de la journée du 25 décembre pour en faire la célébration de Jésus Christ. En 380, l’empereur Théodose Ier interdit officiellement les cultes païens. Si le culte de Sol Invictus perdure encore pendant plus d’un siècle, les bases du Noël chrétien sont bel et bien posées au IVe siècle.

Saint-Nicolas, patron des enfants

Nicolas de Myre naît en 270, dans le sud de l’actuelle Turquie. Cet évêque de l’Eglise chrétienne devient, après sa mort, le protecteur des marins, des marchands et des enfants et un hommage lui est rendu le 6 décembre.

Vous reconnaîtrez facilement le personnage de Saint-Nicolas, célèbre dans toute l’Europe pour sa générosité envers les enfants sages. Traditionnellement, dans plusieurs pays, la fête au cours de laquelle les enfants reçoivent des cadeaux n’est pas Noël, mais bien la Saint-Nicolas, le soir du 5 décembre.

Notez ensuite que le nom néerlandais de Saint-Nicolas n’est autre que Sinterklaas, qui par déformation a donné le Santa Claus américain. Le Père Noël que nous connaissons aujourd’hui est donc en partie un dérivé du Saint-Nicolas chrétien, les attributs religieux en moins.

L’héritage scandinave : Odin et le bouc de Noël

Le mythe du Père Noël a également incorporé de nombreux éléments païens en provenance de Scandinavie. Avant leur christianisation, les peuples germaniques avaient leur propre fête de l’hiver, appelée Yule. Le mot norrois (scandinave médiéval) Jól a d’ailleurs donné Jól en islandais, Jul en danois, norvégien et suédois, Joulu en finnois et Jõulu en estonien. C’est ainsi que l’on nomme Noël dans ces différents pays.

Comme pour le Sol Invictus romain, les chrétiens ont repris cette fête à leur compte, tout en conservant nombre d’éléments païens. Le folklore scandinave semble avoir exercé une forte influence sur la vision contemporaine de Noël, notamment en lui donnant sa coloration hivernale. N’oublions pas que Saint-Nicolas est né au bord de la Méditerranée, donc dans un cadre peu propice aux chutes de neige.

Le dieu germanique Odin, avec sa longue barbe, a pu servir de modèle à notre Père Noêl.

Du dieu Odin au Père Noël

Le Dieu nordique Odin apparaît même comme un modèle du Père Noël : parmi ses autres noms, on trouve notamment Jólnir (Yule, donc) et Langbarðr, littéralement « longue barbe ». De plus, il participe régulièrement à la Chasse sauvage lors du solstice d’hiver, au cours de laquelle il parcourt les cieux sur le dos de son cheval Sleipnir, accompagné des esprits des défunts. On voit bien ici le parallèle avec le Père Noël se déplaçant sur un traîneau aérien. En parlant de traîneau, il s’agit bien sûr d’un moyen de transport traditionnel courant en Scandinavie, notamment en Laponie.

Selon la légende, un dieu, Odin ou Heimdall, descendait sur terre pour distribuer des cadeaux aux enfants sages à l’occasion de Yule. Les marmots désagréables, quant à eux, devaient se contenter de cendres.

Julenisse, le lutin nordique

Dans le folklore nordique, un nisse est un être de petite taille, protecteur des fermes, souvent représenté vieux et barbu. Au cours du XIXe siècle, le nisse s’est transformé en Julenisse (norvégien), Julemand (danois) ou Jultomte (suédois), chargé de la distribution des cadeaux. Cette figure est donc autant l’origine du Père Noël que de ses industrieux lutins.

En retour, le Julenisse a été influencé par le Père Noël anglo-saxon, mais il convient de bien l’en distinguer : le lutin nordique reste petit par la taille, entre dans les maisons par la porte et non par la cheminée et son traîneau ne vole pas.

Julbock, le bouc de Noël

Plus intrigante encore est la figure du Julbock, autrement dit le « bouc de Noël » ou « chèvre de Noël ». On retrouve des traces de cette tradition dans le nom finnois du Père Noël, Joulupukki. Avant d’être diabolisé par les chrétiens, le bouc était un animal tenu en haut estime par les Scandinaves : le char volant de Thor était par exemple tiré par des boucs, encore une influence du traîneau du Père Noël.

Au XVIIe siècle, les jeunes gens avaient pour coutume d’aller de maison en maison avec l’un d’eux déguisés en bouc, pour réaliser des farces et effrayer les enfants. On confectionnait souvent des boucs à base de paille pour les placer chez ses voisins à leur insu.
Au cours du XIXe siècle, le Julbock a endossé un rôle plus positif de distributeurs de cadeaux. Les enfants tressaient de petits boucs de paille qui, la nuit venue, sortaient de la maison pour aller chercher des cadeaux à leur propriétaire. Depuis, le Julbock a cependant été supplanté par le Julenisse, mais garde encore un second rôle, accompagnant le lutin dans ses livraisons.
De nos jours, il est courant de trouver le bouc de Noël en version miniature accroché aux sapins des Scandinaves ou en version géante dans les grandes villes suédoises à l’approche de Noël.

Un « bouc de Gävle », grand Julbock exposé pendant la période des fêtes.

Coca Cola est-il l’inventeur du Père Noël ?

Une légende urbaine fait de Coca Cola l’inventeur du Père Noël. Rien n’est plus faux. Non seulement Coca Cola n’a pas la paternité du vieillard jovial, mais l’entreprise n’est même pas la première à avoir utilisé la figure du Père Noël pour vendre ses produits. Il existe de nombreuses affiches représentant le personnage dans sa version « moderne » datant XIXe siècle. On peut en revanche considérer que Coca Cola a fixé l’image du Père Noël dans les esprits grâce à sa campagne de publicité de 1931. Il est intéressant de noter que Haddon Sundblom, dessinateur de ces affiches, était d’origine finlandaise et suédoise. Il a donc contribué à figer tout un pan du folklore scandinave dans la représentation qu’il a faite du Père Noël.

La figure américaine du Père Noël daterait plutôt de 1823, date de parution du poème anonyme A Visit from St. Nicholas. S’il parle encore de Saint-Nicolas plutôt que du Père Noël, le poème donne une description très précise du personnage et du rituel de livraison des cadeaux : le traîneau volant tiré par huit rennes (Rudolphe au nez rouge n’apparaîtra qu’en 1939 !), l’entrée par la cheminée à laquelle sont accrochées des chaussettes, le vieillard rondouillard et joyeux…

Ensuite, c’est le caricaturiste Thomas Nast qui a continué à préciser les contours du Santa Claus américain, à travers de nombreuses gravures. C’est d’ailleurs le même Thomas Nast qui a ancré des figures américaines célèbres, comme l’éléphant républicain ou l’âne démocrate.

Le Père Noël dessiné par Thomas Nast en 1881.

Le Père Noël, une figure pas si universelle

Si, vu de France, le Père Noël semble aller de soi, il n’en a pas toujours été ainsi. Traditionnellement, en France, c’était plutôt l’enfant Jésus qui apportait les cadeaux de Noël, tandis que Saint-Nicolas se chargeait de cette tâche dans le nord et l’est de la France, dans la nuit du 5 au 6 décembre. Le 23 décembre 1951, le vicaire de la cathédrale Saint-Bénigne, à Dijon, fait brûler une effigie du Père Noël, pour protester contre ce qu’il perçoit comme une dérive païenne et mercantile de la fête chrétienne.

Dans certaines parties du monde germanique, c’est également l’enfant Jésus, Christkind (Kind signifiant « enfant » en allemand) ou Christkindel, qui distribue les cadeaux. Ce personnage a été popularisé par les protestants pour remplacer Saint-Nicolas, qui n’appréciaient pas que l’on voue un culte aux saints. Etrangement, cet enfant Jésus est souvent représenté sous les traits d’une jeune fille portant une couronne. Le nom Christkindel a donné au Père Noël l’un de ses noms en anglais, Kris Kingle.

Dans certains pays, le Père Noël n’a donc pas le premier rôle : les Espagnols l’appellent Papá Noel, mais accordent plus d’importance aux Rois mages, qui viennent distribuer des cadeaux le 6 janvier. Pour les Néerlandais, Sinterklaas (Saint-Nicolas) est une figure de premier ordre. Chaque année, il vient d’Espagne à bord d’un bateau, accompagné de Zwarte Piet (« Pierre le noir »), le Père Fouettard local représenté sous les traits d’un Africain. Il se lance ensuite dans une grande procession à travers tout le pays.

Sinterklaas, le Saint-Nicolas hollandais, escorté par ses Zwarte Piet.

Quelques traditions de Noël insolites à travers le monde

Si la fête de Noël est très codifiée de nos jours dans sa version que nous qualifierons « d’internationale », il subsiste des rites qui nous paraîtront assez étranges à nous-autres francophones. En voici une petite sélection particulièrement savoureuse.

En catalogne, la « bûche qui chie »

Je vous promets que je n’ai pas abusé sur le champagne. En catalogne, le Tió de Nadal (« bûche de Noël ») est une bûche vide sur laquelle on dessine un visage souriant et à laquelle on ajoute des jambes. Chaque soir à partir du 8 décembre (jour de l’Immaculée Conception), les enfants remplissent la bûche de sucreries et la couvrent pour lui tenir chaud.

Une fois arrivé le jour de Noël, les enfants battent la bûche à l’aide d’un bâton tout en chantant des chansons, dans le but de lui faire « chier » des friandises.

Au Pays de Galles, le crâne de cheval

Dans le sud du Pays de Galles, la coutume du Mari Lwyd veut que les jeunes hommes aillent de maison en maison accompagnés d’un crâne de cheval agrémenté d’un drap blanc. Les visiteurs doivent alors demander, en chanson, l’hospitalité des habitants. Ceux-ci doivent alors s’y opposer, toujours en chanson. La négociation prend la forme d’une vraie joute verbale et lorsque le maître de maison est à court d’idées, il doit laisser entrer ses visiteurs et leur fournir à boire et à manger.

Au Japon, réveillon au KFC

Dans l’archipel, les chrétiens ne représentent que 2 % de la population, malgré une implantation qui date du XVIe siècle. Peu de gens y célèbrent donc cette fête pour des motifs religieux. La formule japonaise メリークリスマース (Merry Christmas) montre bien que Noël est avant tout un événement laïc et américain, où l’on célèbre サンタクロース (Santa Claus).

Le réveillon du 24 décembre prend souvent la forme d’une sorte de Saint-Valentin pour les couples, qui vont généralement dîner dans un restaurant. Plus étrange, de nombreux Japonais se ruent au KFC et n’hésitent pas à faire la queue pendant des heures, s’ils n’ont pas pensé à réserver à l’avance. Selon une légende urbaine, le KFC était, dans les années 70, le seul endroit où les Américains trouvaient des plats s’approchant vaguement de leur traditionnelle dinde. Une campagne de promotion de 1974 a ensuite ancré cette drôle de tradition dans les mœurs japonaises.

En Finlande, la montagne de l’oreille… ou presque

Nous l’avons vu, le Père Noël finlandais se nomme Joulupukki. Les Finlandais mettent un point d’honneur à situer le lieu de vie du Père Noël sur une colline appelé Korvatunturi (« montagne de l’oreille »), du sommet de laquelle il peut entendre tout ce qui se passe dans le monde et vérifier que les enfants soient sages. Dans les faits, Korvatunturi se trouve dans une zone peu accessible à proximité de la frontière russe et le « véritable » village du Père Noël se situe près de Rovaniemi, capitale de la Laponie finlandaise. Si vous envoyez votre lettre au Père Noël au 99999 Korvatunturi, elle arrivera donc à la Poste du Père Noël à Rovaniemi.

Le village du Père Noël, près de la ville finlandaise de Rovaniemi.

Notons d’ailleurs que les Suédois situent la résidence du Père Noël près de Stockholm, les Norvégiens près d’Oslo et les Danois au Groenland. Les Américains, quant à eux, ont opté pour un compromis : le Père Noël habite au Pôle Nord, à égale distance de la plupart des pays occidentaux.

Joyeux Noël, quelle que soit votre langue !

J’espère que cet article vous a plu et vous a permis de mieux connaître les origines de la fête de Noël. Il y aurait encore beaucoup à dire, notamment sur plusieurs traditions que je n’ai pas abordées, comme le sapin ou la bûche, mais je ne voudrais pas vous retenir plus longtemps à l’heure du réveillon. Si vous connaissez des anecdotes sur Noël dans différentes langues et cultures étrangères, n’hésitez pas à les partager ici. En attendant, joyeux Noël à tous !

Source des images : Kevin DooleyJakub MarianWikipédiaSeppo LaineWikipédia encoreFaceMePLS,

Source :https://www.mondelangues.fr/noel-autour-du-monde

Rédigé par Chevalier

Publié dans #Noël

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